Mon travail de sculpteur, et conséquemment mon rapport avec l’ « espace », consiste d’abord à investir un lieu et faire en sorte que ma sculpture s’y intègre bien. J’aspire à ce que celle-ci soit saisie d’un premier coup d’œil. Je veux à la fois provoquer et privilégier cette approche simple et directe pour ainsi faire porter un message accompagné de ces mêmes caractéristiques. Ce message parle souvent de « mouvement » et des « émotions » qu’il provoque. On doit comprendre par « mouvement » un déplacement continu de la masse et des volumes et par « émotions », une déstabilisation ou un engagement des perceptions visuelles et tactiles et des significations qui s’ensuivent. L’œuvre incite à créer une synthèse particulière. L’œuvre peut aussi suggérer une émotion issue d’un espace rationnel et d’un espace intuitif, concentrer une tension et la libérer.
Et parmi les considérations inhérentes à cette volonté d’intégration, le respect et la fidélité au lieu m’ont poussé à inclure ces mêmes valeurs au matériau. Quelques exemples : le bois dans sa structure, sa nature, sa texture; l’acier en plaque dans ses plans et ses surfaces, sa tension et sa flexibilité; le béton dans sa plasticité et sa malléabilité; la pierre dans l’essence même de sa structure et dans les surfaces et les textures qui peuvent en découler.
Cet espace dans l’œuvre est sculpté. Je veux dire par là façonné, transformé, modelé dans sa masse et ses volumes. Mais aucune trace d’usinage, aucune forme angulaire manufacturée, aucun artifice d’origine « industrielle » ne doit transparaître dans l’œuvre. Elle est là par elle-même, comme si elle avait toujours été là, ou tout au moins conçue pour être là, appartenant totalement au lieu.
Je souhaiterais que l’œuvre renvoie le spectateur à lui-même, consciemment ou non. Provoquer chez celui qui regarde le même mouvement porteur d’émotions (déstabilisation ou engagement de perceptions nouvelles) que celui de la sculpture.